Imaginez un petit village gaulois (ou catalan, c’est selon …), qui résiste encore et toujours à l’envahisseur.
Entre Via Domitia, châteaux cathares et Portus veneris, port romain, le plus méridional des ports français (ou le plus septentrional des ports catalans… c’est selon)…
…à Calce, les habitants du village se fédèrent pour bâtir au sein de leur hameau fortifié du 12ème siècle une exposition d’art contemporain intitulée « Paysages liquides ».
Tout un chacun pourrait dire que le ciel leur est tombé sur la tête à ces gaulois (ou catalans, c’est selon…) : Paysages liquides … car comme dans les romans de Pagnol,… nous manquons cruellement d’eau ici … tout en ayant le même esprit de clocher.
Quant à disposer d’une potion magique ou d’être en mesure de changer l’eau en vin, chacun en jugera, mais ce n’est certainement pas dans nos paysages que nous trouverons de l’eau, l’ingrédient de base H20 absent … ou presque….
En Catalogne, on n’a pas d’eau mais on a des idées, nous dirait peut-être Eduardo Mendoza, et l’eau ne fait pas forcément partie des ingrédients pour faire des prodiges.
Paysages liquides se réfère à cette idée de fluidité de notre environnement, façonné par l’homme, s’écoulant vers une modernité ou respectant la tradition du terroir, comme une étendue d’eau respecte les lois de la physique des fluides….
Paysages liquides nous interpelle sur la nature intrinsèque du paysage qui est en très large partie résultat du regard qu’on y porte, regard qui le construit même, et cela, presque autant que de la manière dont on le façonne … mais ça nos amis qui le façonnent en transpirant sous le soleil nous demandent si notre perception n’est pas un peu parisienne…. Mais n’est-ce pas une vraie fonction de l’art contemporain que d’interpeler l’homme dans ses convictions et d’ouvrir un dialogue qui permet de partager les points de vue ?
Quand aux artistes invités, qu’ils viennent de Chigago, de São Paulo, de Bruxelles ou de Paris, villes paysages toutes concernées par l’eau, l’horizontalité et la verticalité…. Ces artistes, c’est justement leur perception qu’un paysage reste l’artifice qui résulte de l’interaction entre notre regard et l’objet de notre attention qui les réunit ici. Nous, simples terriens, nous gargarisons souvent sur la beauté d’un paysage naturel … qui n’a de beau que dans la manière dont on le regarde. Eux le perçoivent avec leur propre regard ce fameux Paysage liquide, et leur création intègre des artifices que nous devons décoder. Ce jeu de compréhension, laisser libre cours aux sentiments qui nous traversent, laisse émerger notre vécu émotionnel, nous invite à laisser vivre ces émotions avec fluidité, transparence, dans un flot capable de nous submerger… au cœur des ces Paysages liquides… fussent-ils exposés dans la roche noyée par la garrigue…
Christophe Daclin