Alors il existe. Retrouvé ou reconstruit ?
Enfant, quand je saisissais furtivement
la boule à eau de mon arrière-grand-mère
décorant sagement son vaisselier,
une seule chose m’appelait : démêler deux phénomènes,
ils étaient liés de cause à effet.
Comment moi, six ans seulement, je pouvais littéralement retourner le Canigò,
Marie était catalane, la bagatelle made in China.
J’enserrai cette grosse perle froide et l’intervertissais, cachée dans la salle de bains.
Je la faisais vriller, tournoyer, rechercher la force centrifuge.
La tornade naissait en chuchotant.
Je la nommais Lola, petit typhon déjà avorté.
Quand j’inversais le cours des événements, la montagne était là, érigée, immuable.
Calme plat.
Le second, je devais être plus véloce que la bulle d’air toujours plus légère que l’eau
dépassant non sans moquerie ce sommet, mon phare.
Ce bibelot lisse et laid était le medium de ma rêverie. Grâce à lui, je voguais. Loin.
Violemment. Pleinement. Idéalement.
Ne pas le fêler fut l’ordre reçu ; menaçant, intimidant, en catalan.
Ce paysage figé dans cette imperturbable langueur
me plongeait dans une apesanteur nouvelle, chaque fois renouvelée, le dimanche matin.
La régularité sauve l’esprit.
J’étais algue, plume, flocon, souffle.
Seul-es les enfants se métamorphosent sans peur d’être dénaturé-es, déguisé-es.
Un soir, la boule s’est brisée,
emportant avec elle les fables aqueuses que je me racontais.
Devenue adulte, je sais que l’eau file, fuit, s’exhale ; elle ne demeure
que rarement solide.
La glace je n’y tiens plus, le réel est trop sec. La réverbération paralysante.
Alors si demain je peux à nouveau toucher un paysage liquide
Dites-lui qu’il convoque mon enfance Marie ma terre ; et je roulerai vers lui.
HSV
Jolie madeleine de Proust version paysage liquide
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