
Clara Gassull Quer est l’artiste lauréate du projet Calç qui naviguera entre les trois territoires pour son projet de résidence artistique. Voici le projet qu’elle nous présente:
» Il y a environ trois mois, j’essayais de faire de la chaux dans la cheminée de ma maison avec des pierres de calcite collectées dans le Massís del Montgrí. Carles Roqué, un géologue avec qui j’ai récemment collaboré, m’a dit que si je parvenais à faire en sorte que la flamme de la cheminée atteigne environ 900º, j’obtiendrais de la chaux vive. Le résultat, au lieu d’être des pierres blanches, comme il me l’avait dit, était des pierres noires. Après quelques tentatives, j’ai laissé faire et j’ai convaincu Neus Frigola, céramiste et amie, de mettre quelques pierres dans son four, cette fois les pierres étaient très blanches. Cette chaux, j’ai voulu l’utiliser pour réaliser une pièce pour l’échantillon « Ce n’est pas une pierre, c’est une dent ».
Calç se présente donc comme une opportunité d’élargir le processus de recherche dans lequel je me trouve actuellement. Pour présenter la proposition de recherche, il me semble pertinent d’expliquer
les antécédents Depuis le début de l’année 2023, je travaille sur une recherche sur les liens entre la géologie spécifique des territoires calcaires et la biologie interne et la morphologie du corps humain, en me concentrant sur la similitude entre les éléments pierre et os, sous le soupçon que nous nous approchons, en réalité, de la même chose. Cette recherche a été formalisée en deux expositions, chacune correspondant à un chapitre. Le premier « Tout ce qui s’assemble est destiné à se dissoudre »,
qui a eu lieu au Musée de la Méditerranée, relie la géologie du massif du Montgrí aux éléments archéologiques qui en ont été extraits et se trouvent dans le même musée. Le deuxième « Ceci n’est pas une pierre, c’est une dent », qui a été récemment vu à l’espace culturel Rizoma, est la suite naturelle du premier et se concentre sur l’ambivalence entre les éléments en pierre et en os, mettant au centre l’histoire des pierres Glossopetrae, des pierres qui tombaient du ciel et que les gens utilisaient comme amulettes, jusqu’en 1666 Nicolas Steno, en disséquant un requin. réalisez que les pierres de glossopetrae étaient des dents de requin.
Ferran Climent, lors de la Journée de la Chaux qui a eu lieu à Cacis le 8 juin dernier, nous a expliqué qu’il y a des millions d’années, là où nous étions, à Calders, il y avait une mer qui s’asséchait. L’idée qu’à une époque il y avait une mer mais qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas, me fascine. Ce qu’il m’a expliqué m’a fait penser à l’histoire des dents de requin. Les deux histoires, celle sur les dents et celle partagée par Ferran Climent, expliquent que les zones dans lesquelles nous vivons actuellement, d’où on extrait beaucoup de calcaire pour fabriquer de la chaux, étaient autrefois des zones sous-marines, dans une mer ou un océan. Cette idée d’imaginer une mer là où elle n’est pas là actuellement, est le point de départ de la proposition de recherche que je vous présente.
Idée commune de liaison entre les régions
Pour introduire l’idée commune entre les régions, je partage un fragment de Solitud de Caterina Albert.
« Tu vois ce genre de boule rose qui semble rouler vers le Bau ? C’est Rocapera. Si vous mettiez l’oreille au sol dans les bouleversements du temps, vous l’entendrez ronfler intérieurement comme une mauvaise bête follement enragée…
- qu’est-ce que c’est, pasteur?
- que sait un homme, ermite ! Les gens comprennent que toute la montagne est inondée et pleine
de cavorques comme une grosse fourmilière et que la remorassa achéenne vient de la mer, qu’elle gronde des heures à la ronde… »
Solitud passe devant le Massís del Montgrí, un massif calcaire. Dans ce fragment le berger invite Mila à écouter un rocher calcaire pour entendre le bruit de la mer. Comme il l’explique, on peut imaginer que c’est le bruit de la mer au-delà de la pierre, des mètres et des mètres plus bas, puisque Montgrí est proche de la mer. Mais cela peut aussi être interprété comme un voyage dans le temps, vers le passé, et il se pourrait que ce soit cette mer qui, il y a des années et des années, a recouvert la montagne et a créé le calcaire. Cette idée de trouver une mer là où elle n’est pas là actuellement, de l’imaginer, c’est sur quoi repose ma proposition.
Le Massís del Montgrí, le territoire dans lequel j’ai travaillé jusqu’à présent, est originaire des Pyrénées
et déplacé à un moment donné vers l’endroit où nous le trouvons actuellement, dans le Baix Empordà. Sous la ville de Calce se trouvent des calcaires marins du Trias et du Jurassique (il y a 200 millions d’années), du même âge que ceux de Minorque grise. A Calders, les calcaires sont liés à une mer de l’Éocène (56-34 millions d’années). Au nord de Calce, vers Talteüll, se trouvent des roches marines du Crétacé (âgées de 145 à 66 millions d’années), comme celles du Montgrí. Pour moi, pouvoir travailler sur ces territoires est une manière de poursuivre la recherche que j’ai menée jusqu’à présent, en l’étendant au-delà du Massís del Montgrí avec la possibilité d’être en contact avec d’autres territoires calcaires et, par conséquent, de nouvelles histoires et histoires autour d’eux. La pierre de chacun de ces lieux s’est formée, à un moment ou à un autre, sous l’eau d’un océan ou d’une mer qui a ensuite changé de place. Je m’intéresse à ce voyage dans le temps, un voyage à l’échelle géologique, où l’on cherche les traces d’une mer qu’on ne voit plus.
Objectifs
- Allier recherche et création artistique.
- Connaître l’histoire à l’échelle géologique de chacun des territoires.
- Entrez en contact avec des personnes et/ou des organisations spécialisées dans les domaines qui travaillent sur le sujet proposé.
- Apprenez à connaître les histoires orales et/ou scythes autour des trois territoires.
- Imaginez une mer dans chacun des lieux.
- Réaliser les activités de médiation proposées.
- Déployer un travail artistique pluridisciplinaire.
- Développez les recherches menées jusqu’à présent avec un troisième chapitre qui se déroule dans le cadre de cette résidence.
- Formaliser le travail effectué
Planification des itinérances
La planification de chaque itinérance sera liée à la méthodologie de recherche que je propose,
une méthodologie qui allie théorie et pratique et qui se développe à travers la contemplation, la recherche et l’action. Cette façon de travailler est basée sur des recherches théoriques fondées
dans des lectures et des entretiens ainsi qu’un travail de terrain et d’expérimentation artistique. La méthodologie de recherche et de création est regroupée comme suit :
1.Recherche et recherches théoriques
Une partie de la méthodologie de recherche est basée sur la recherche et la recherche théorique, qui comprend une série de lectures de livres et d’articles liés à la géologie, à l’archéologie et à l’histoire et aux lieux. Jusqu’à présent, j’ai travaillé avec des professionnels de divers domaines tels que Josefina Simón (archéologue), Carles Roqué (géologue), Àlex Gutiérrez (biomédical) et Alba Raventós (interprète et chercheuse en arts du mouvement, spécialisée en Body Mind Centuring. Dans cette itinérance, qui se présente à moi comme un nouveau chapitre de recherche, je souhaite continuer à être en contact avec des professionnels de divers domaines de travail et de recherche.
2.Travail sur le terrain
Cet aspect de la méthodologie entre en contact direct avec le milieu de recherche : les territoires calcaires. Le travail de terrain est basé sur la marche. Ce fait me permet de vivre une expérience physique avec le lieu et d’explorer la relation entre le corps et le paysage. Les promenades à travers les territoires calcaires occupent une large place au sein de cette recherche.
3.Pratiques d’expérimentation
Elle s’appuie sur un ensemble de pratiques qui prennent forme à travers différents langages artistiques comme le dessin, la photographie, le son et la collecte d’éléments minéraux. Ces pratiques sont expliquées plus en détail dans la section formalisation.
Malgré le développement de cette méthodologie de recherche dans tous les itinéraires, chacun d’eux se concentrera sur l’un d’entre eux.
3C : Calce Culture Contemporaine
Sachant que 3C est une association dédiée aux résidences artistiques mais également spécialisée dans les projets de médiation, je propose, d’une part, de démarrer la recherche par un contact direct avec l’environnement à partir de terrains et, d’autre part, une proposition de médiation autour du calcaire, en prenant comme point de départ l’histoire des Glossopetrae et Nicolas Steno.
Cacis: el forn de la calç.
Ferran Climent, lors de la conférence, a beaucoup parlé du territoire de Calders.
Dans cet itinérance, j’ai l’intention de m’entretenir avec des professionnels du domaine de la géologie, comme lui, et avec des personnes qui vivent dans la région afin de connaître l’histoire du lieu et de connaître divers récits oraux ou écrits. J’envisage cette itinérance comme un espace pour pouvoir réaliser une première partie des pratiques expérimentales.
Es FAR Cultural
Je planifie cette dernière itinérance comme un espace pour me concentrer pleinement sur les pratiques expérimentales et revoir le travail effectué jusqu’à présent.
Proposition de formalisation
La proposition s’appuie sur un ensemble de pratiques qui prennent forme à travers différents langages : La compilation d’éléments minéraux, un dessin, du son ou de la photographie. Ces pratiques,
bien qu’ils fonctionnent de manière indépendante, ils prennent forme et se renforcent dans leur ensemble grâce à leurs relations réciproques. La proposition vise, à travers la relation entre les différentes langues, à véhiculer l’idée d’imaginer une mer là où on ne peut pas la voir. Ci-dessous, je laisse une brève description de la manière dont chacune des langues fonctionnerait :
Collection d’éléments minéraux : Au cours des balades, je serai attentif aux éventuelles trouvailles pouvant servir à réaliser des dessins et des photographies ou qui présentent déjà un intérêt en elles-mêmes. Je me demande dans quelle mesure j’y trouverais des éléments qui pourraient nous relier à cette mer du passé.
Dessin : Cette pratique se déroulera aussi bien dans les territoires calcaires que dans l’espace d’habitation et se formalise majoritairement dans un dessin monochrome, réalisé avec l’outil « pierre noire », sur papier. Pour autant, je n’exclus pas la possibilité d’utiliser d’autres techniques tout au long du voyage qui enrichiraient l’exploration. Lorsque je dessine sur place, le contact physique entre mon corps et le paysage prend une grande importance. Je veux dessiner dans les territoires mêmes où mon corps est entouré de pierre, ou je peux m’imaginer dans une mer du passé. D’autre part, je dessinerai aussi en studio, pour travailler par le toucher car cela me permet de relier mon propre corps à l’élément observé et d’avoir une approche sensorielle différente. Je compte utiliser des outils comme une loupe pour observer les éléments collectés et les approcher depuis un champ de vision qui dépasse les possibilités de l’œil humain.
Photographie : La photographie est très présente dans les projets que je développe, parfois avec un appareil photo mais d’autres sans, se manifestant à travers la technique du cadre. Cette technique consiste à disposer un ou plusieurs éléments sur du papier photosensible et, ensuite, le papier est exposé sous une source de lumière qui est ensuite révélée. Le résultat est une image d’enregistrement de l’objet qui a été placée sur du papier monochrome ou couleur. Le cadre me permet de faire allusion aux éléments photographiés sans les montrer directement et ainsi générer de nouvelles connexions et imaginaires aux yeux de chacun. Selon les conditions spatiales des lieux de résidence, l’une ou l’autre technique photographique peut être utilisée.
Son : En prenant comme point de départ le fragment de Solitude, je me demande s’il est possible d’enregistrer le bruit de la mer, dans ces territoires calcaires. A travers l’expérimentation sonore, j’envisage de partir à la recherche de ce son que produisait ce territoire il y a des millions d’années.
Ces 4 langages sont ceux que je propose d’utiliser pour les pratiques expérimentales
et exploration Pour autant, je n’exclus pas l’apparition d’écriture, de vidéo ou de quelque pièce à caractère plus sculptural puisque le processus de recherche et de création fait parfois apparaître le hasard, l’erreur et l’inattendu, générant des pièces nouvelles et inattendues. Pour avoir une idée de la forme que prennent tous ces langages, vous pouvez consulter la page ci-dessous et les projets « Ceci n’est pas une dent, c’est une pierre », « Tout ce qui nous unit est destiné à se dissoudre » et « Une pierre, lorsqu’elle est fendue, sont deux pierres ».





